François de Favitski
Notre monde connaît de plus en plus d’événements climatiques destructeurs et meurtriers : canicules et sécheresses, incendies, pluies importantes et inondations, etc. Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) le souligne : la responsabilité de l’homme sur le réchauffement climatique est de plus en plus évidente. Le monde qui nous est confié est en danger. Dans son encyclique Laudato si’, le Pape François répond à l’ampleur de la crise écologique et nous exhorte à agir sans délai pour sauver l’œuvre de la Création.
La Création, œuvre d’amour de Dieu à laquelle l’homme est convoqué
Le Bible nous apprend que Dieu créa le ciel et la terre, puis l’homme à son image. Son œuvre créatrice a « un but qui est le bien des créatures. Dieu crée par amour, c’est-à-dire qu’il produit des êtres capables d’entrer avec Lui dans une relation d’Alliance qui est une relation d’amour »[1]. Il nous aime d’un amour parfait auquel il nous invite à participer afin qu’à notre tour nous poursuivions son œuvre créatrice.
Pour éclairer ce chemin, son Fils, le Christ Jésus, nous a donné le grand commandement de l’amour. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »[2], nous a-t’il dit. L’amour de Dieu pour ses créatures est un amour sans limite, sans condition et totalement ouvert, c’est un amour « intégral » : aimer à la façon de Dieu, non seulement engage le baptisé avec Dieu, mais le met en responsabilité avec chacune de ses créatures. Il nous a aimés jusqu’au bout de son amour, il a donné sa vie pour qu’à notre tour nous soyons libres de vivre selon son amour. Aimer comme Jésus Christ, c’est aimer aussi tous ceux qui sont difficiles à aimer : nos ennemis, ceux qui nous ont fait du tort, ceux qui n’appartiennent pas à nos cercles sociaux, ceux qui sont différents de nous et que nous ne comprenons pas. Bien plus, Jésus nous demande d’aimer tout particulièrement les sans-voix qui sont dans des situations difficiles, les pauvres, les étrangers, ceux dont la dignité humaine et les droits ne sont pas respectés. « Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s’il voit son frère dans le besoin sans faire preuve de compassion, comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ?»[3]
Ce grand commandement n’est donc pas pour le chrétien une simple option facultative : « Vivre la vocation de protecteur de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne. » [4]
[1] François Euvé – Parler de la Création après Laudato si’, P. 40 – Ouvrage collectif sous la direction d’Elena Lasida – Bayard 2020
[2] Jn 15, 12
[3] Jn 3, 17
[4] Laudato si’ n°217
Le défi de sauvegarder notre maison commune
Ainsi le Pape François nous appelle dans Laudato si’ à participer au projet d’amour intégral qu’est la Création : « Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. » [1]
La conviction profonde du Pape François est qu’aucune situation ne peut être traitée de façon indépendante car « tout est lié. Il faut donc une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains, et à un engagement constant pour les problèmes de la société ».[2] « Étant donné l’ampleur des changements, il n’est plus possible de trouver une réponse spécifique et indépendante à chaque partie du problème. Il est fondamental de chercher des solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature. »[3]
[1] Laudato si’ n°13
[2] Laudato si’ n°22
[3] Laudato si’ n°139
Et maintenant, que faire à notre niveau de responsabilité ?
C’est le projet de Dieu dans sa globalité qui est menacé. La tâche est immense et complexe puisque tout est lié et que les situations et les problèmes doivent être traités de façon globale et à tous les niveaux de responsabilités. Prenons un exemple : selon l’ONU, environ 20% de la nourriture consommée dans le monde est jetée à la poubelle. Face à cela, un rapport de l’UNICEF estime que près de 690 millions de personnes ont souffert de la faim en 2019, et que 3 milliards sont en état de malnutrition. Si certains meurent de faim alors que d’autres sont trop bien nourris, n’y aurait-il pas là un lien de cause à effet ? Car si nous devenions plus sobres et davantage capables de soutenir concrètement ceux qui souffrent de la faim, nous pourrions lutter plus sérieusement contre les situations de malnutrition. Il y a bien sûr d’autres raisons à la faim dans le monde, il y a bien sûr bien d’autres mesures possibles, et des réponses institutionnelles sont nécessaires. Mais cela ne diminue en rien nos responsabilités personnelles vis-à-vis des pauvretés.
Rien ne se passera si nous ne changeons pas notre regard sur ce qui se passe dans notre maison commune, de telle façon que nous devenions capables d’inventer de nouveaux chemins et de trouver les moyens qui nous permettrons d’agir. C’est pourquoi le Pape François nous « adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous »[1].
[1] Laudata si n°14
Une équipe Laudato si’ s’est constituée à Lozère.
Depuis un an dans nos réunions, nous aimons consacrer du temps à la découverte de l’encyclique ; puis nous procédons à un échange sur nos projets.
Face aux manifestations du dérèglement climatique et à ses conséquences, nous avons la conviction que nous avons une chance de regagner le terrain perdu. En réponse à la gravité de la situation, l’encyclique Laudato si’ nous exhorte à une conversion spirituelle qui rendra possible la mise en œuvre d’une écologie intégrale respectueuse de la création. Les analyses et les pistes ouvertes par Laudato si’ nous invitent à l’espérance, d’autant plus que de nombreuses initiatives ont vu le jour. A Lozère, nous avons choisi de suivre le réseau « Eglise verte » suscité par les Eglises chrétiennes. De même, nous sommes en lien avec le plan de transition écologique de Palaiseau.
Avec Laudato si’, nous voulons prendre soin de notre relation à Dieu, à sa Création, et aux hommes avec lesquels nous vivons. Nous accordons une attention toute particulière à nos jardins paroissiaux de Lozère et du Pileu dont nous voulons qu’ils reflètent un petit bout de la beauté et de la fécondité de la Création. Nous voulons que notre action permette de tisser des liens inter-générationnels et d’associer écologie et solidarité.
L’année 2022 nous voit travailler à plusieurs propositions :
- En janvier, projection-débat du documentaire « Le ciel et la terre » en présence de sa réalisatrice, Alexia Veriter. Cela a été l’occasion pour plus de trente personnes du Secteur de découvrir des initiatives prises par des chrétiens après la publication de l’encyclique.
- Réaménagement en cours du jardin de Lozère pour y mettre en valeur la beauté de la création.
- 14 mai : un après-midi de fête de la nature avec diverses activités permettant de sensibiliser les visiteurs à l’écologie intégrale.
- Une marche « Laudato si’ » en septembre dans le cadre du « Temps pour la Création » proposé par le réseau « Eglise verte ».
Pour être complet, il faut aussi mentionner notre lien avec le pôle Jeunes de l’équipe d’aumônerie installée au Pileu. Ces adolescents sont eux-mêmes engagés dans une démarche « Pollen d’Eglise verte » qui leur permet de chercher leur propre chemin vers l’écologie.
Oser entreprendre un chemin de conversion intérieure
Face au défi qui nous est posé aujourd’hui par la crise écologique et en raison de l’état en cours de dégradation croissante de notre maison commune, nous sommes appelés à une conversion intérieure qui nous permette de repenser notre relation à la Création et de renouveler notre façon de vivre avec elle notre foi chrétienne. L’encyclique nous montre des directions, l’Eglise nous propose des outils. Oserons-nous nous unir pour tenter l’aventure d’une conversion qui nous permettra d’agir au niveau de responsabilité et dans l’environnement qui sont les nôtres ?
« Laudato si’, mi’ Signore » – « Loué sois-tu, mon Seigneur », commence l’encyclique en faisant référence au Cantique des créatures de saint François d’Assise. Comme celui-ci, nous nous émerveillons parfois devant la beauté de la Création et pouvons y reconnaître la présence du Créateur. Pour rester en vérité avec cette louange, notre action apparaît aujourd’hui indispensable. « Dieu qui nous appelle à un engagement généreux, et à tout donner, nous offre les forces ainsi que la lumière dont nous avons besoin pour aller de l’avant. Au cœur de ce monde, le Seigneur de la vie qui nous aime tant, continue d’être présent. Il ne nous abandonne pas, il ne nous laisse pas seuls, parce qu’il s’est définitivement uni à notre terre, et son amour nous porte toujours à trouver de nouveaux chemins. Loué soit-il. »[1]
A la source de la vie se trouve un amour intégral. Il nous appartient de continuer à faire couler cet amour.
[1] Laudato si’ n°245