Pierre Novikoff, diacre
Après une année de diaconat, je voudrais vous faire partager un aspect de ma mission, réducteur certes, mais qui a été visible par les paroissiens de Saint Martin de Palaiseau.
C’est ma participation en tant que diacre aux messes. J’y ajouterai mes commentaires, mes découvertes. Permettez-moi donc de vivre avec moi un dimanche ordinaire à la messe de 11h à Saint Martin…
Quand je revêts mon aube, je revêts (ou du moins j’essaie de revêtir) le Christ. En effet, je ne l’oublie pas, un diacre est bien pendant la messe l’image du Christ serviteur. C’est cette posture que j’essaie de prendre en enfilant mon aube. Je le fais plus au moins en même temps que le prêtre qui lui aussi met son aube pour revêtir l’image du Christ. Mais il revêt un autre aspect du Christ, le Christ pasteur. Nous ne sommes pas trop de deux pour représenter divers aspects du Christ.
J’essaie d’accueillir les paroissiens au début de la messe. Ce n’est pas toujours facile, c’est un peu la course, il est bientôt 11h. L’accueil est une vraie mission diaconale : faire que quelqu’un se sente bien avec le Christ, avec l’Église, avec la communauté. C’est d’autant plus important que ce sont des ouvertures vers d’autres missions de l’Église, vers d’autres sacrements. Tout à l’heure, à la fin de la célébration j’irai peut-être accueillir des nouveaux baptisés. Je resterai après la messe pour célébrer l’entrée dans l’Église de jeunes enfants. Cela sera alors une réelle joie.
Il y a un autre accueil que j’apprécie : l’accueil de la personne en deuil qui vient allumer une frêle bougie rouge sur l’autel. C’est une démarche symbolique profonde, de présence parmi nous d’un membre de la communauté récemment décédé. Le diacre est confronté à la mort, bien plus que je l’imaginais. Il y est confronté par les funérailles, mais aussi et surtout par l’accompagnement des familles en deuil. C’est un aspect important de notre mission. Cela m’a fait me questionner sur ma propre mort, ma propre espérance d’éternité, afin, qu’au-delà des mots, je puisse vivre cette espérance avec les personnes endeuillées.
Une des rares actions visibles du diacre pendant la messe est d’annoncer l’évangile. Je le fais pour chacun d’entre vous, y compris pour le prêtre, car la parole n’est pas faite pour être lue par chacun dans son missel, mais écoutée collectivement. Je me sens porté par l’Esprit Saint, j’annonce quelque chose qui me dépasse. J’imagine que Christ parle par moi…
Ensuite, si je suis en charge de l’homélie, j’essaie d’actualiser cette parole, de la rendre présente aujourd’hui pour chacun. C’est aussi une grande joie.. Peut-être que la plus grande joie est de se laisser porter par l’Esprit Saint lors de la préparation de l’homélie, de la remâcher, de la critiquer, de l’adapter puis de l’intérioriser, pour pouvoir la déclamer.
J’ai découvert à quel point la prière universelle est importante. Elle est un lien vers le peuple de Dieu, dans sa diversité et dans ses souffrances. Elle est très souvent bien faite, bien écrite. Je me place depuis quelques semaines à côté de l’ambon, près du lecteur, sans rien dire. Je veux rappeler la présence du Christ (serviteur) au milieu de toutes ces souffrances et douleurs exprimées.
C’est maintenant le temps de l’offertoire. Je suis sensible à deux gestes. Tout d’abord, le mélange de l’eau dans le vin. La phrase que je prononce pendant que je verse de l’eau me semble une des plus importantes à la fois pour ce qu’il va se passer pendant l’eucharistie, mais aussi pour notre avenir au-delà de la mort. Je dis: “comme cette eau se mêle au vin, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité”. Ainsi, nous sommes appelés à devenir unis à Dieu, comme Dieu est devenu homme, uni à nous. C’est toute notre foi résumée en une petite phrase.
Le second geste est le lavabo. Certes, la symbolique est de rappeler les ablutions des hébreux ou le baptême de Jean Baptiste, lavant les péchés, mais ce geste me rappelle aussi le lavement des pieds. Si c’est le diacre qui fait le lavabo, j’y vois le serviteur se mettre au service du pasteur. Le prêtre est encore à ce moment un baptisé comme un autre, un homme pécheur avec toute son humanité. Par le lavabo, le pasteur est libéré de ses péchés et il pourra ainsi permettre à la communauté de s’offrir au Père, lui permettre de revivre le dernier repas du Christ. Comme c’est très important, je fais couler le plus d’eau possible sur les mains du prêtre.
Pendant l’eucharistie, je regarde le peuple de Dieu, le peuple qu’il m’a été demandé de servir, je vous vois, mais je vois aussi les absents. Ce sont ceux de la communauté qui n’ont pas pu nous rejoindre, les malades, les aînés en maison de retraite, les prisonniers, mais aussi tous les habitants de Palaiseau qui ne connaissent pas le Christ. Je les porte par ma présence. J’ai découvert pendant le confinement à quel point il est important de porter les absents, quand il n’y avait que 3 ou 4 laïcs aux messes. Par les diacres, vous étiez tous présents. Regardez donc le diacre pendant l’eucharistie, et vous verrez ceux qui ne sont pas là.
Cela a, par ailleurs, changé ma perception de la liturgie des heures. Avant mon ordination, je célébrais les laudes ou les vêpres dans une relation personnelle avec Dieu. Depuis que je suis ordonné, c’est pour le peuple d’Essonne que je les célèbre. Alors, ce que je lisais à voix basse est devenu chanté, plus ou moins justement.
Viens le temps de la grande doxologie (“Par lui avec lui et en lui…”). Le diacre élève le calice pendant que le prêtre élève la patène. Le diacre est le ministre du vin, du sang. Je pense souvent aux martyrs à cet instant, aux premiers comme aux derniers, à Saint Etienne comme au père Hamel.
Après le Notre Père, je vous demanderai de vous donner la paix du Christ. C’est un peu un préambule à la communion. Nous allons être unis par le partage du pain, par notre offrande commune à Dieu. Commençons par nous unir par un regard ou par un geste… Nous formons le corps du Christ.
Pendant le Sanctus, je vais chercher les hosties au tabernacle. Souvent, j’ai un bref moment d’intimité avec le Seigneur, juste avant de prendre le calice. La génuflexion n’est pas uniquement une salutation.
A Saint Martin de Palaiseau, en ces temps de Covid, l’assemblée dominicale est répartie sur deux sites : l’église proprement dite et les salles du centre pastoral qui se trouvent à cinq minutes à pied. La retransmission de la messe est faite par vidéo. Le prêtre m’envoie porter la communion aux salles paroissiales. Commence alors la course pour aller au centre pastoral avec un membre de la communauté qui n’imagine pas encore qu’il faudra presque courir pour éviter de revenir après la bénédiction finale. C’est l’exercice du dimanche matin. Nous croisons des piétons. Ils nous regardent interrogatifs ou marquent un signe de piété auquel je réponds parfois par un signe de croix.
Quel plaisir de retrouver l’autre partie de l’assemblée. Il y a souvent des familles, des jeunes enfants, c’est vivant… Je me sens comme un pont entre deux groupes qui forment une seule communauté.
Lors de la communion, j’apprécie donner des bénédictions aux personnes ne pouvant pas (ou ne voulant pas) recevoir le pain de l’eucharistie. Je prends peut-être un peu trop de temps. J’ai vraiment envie de leur dire qu’ils font pleinement partie de l’Eglise, du corps du Christ. En général, je les bénis avec la formule de la bénédiction tirée du livre des Nombres (“Que Dieu te protège et te garde, que le Seigneur fasse briller sur toi son visage et qu’il te prenne en grâce, que le Seigneur tourne vers toi son visage et qu’il t’apporte la paix”).
J’imagine le visage du Seigneur les éblouissant de sa grâce.
J’ai un petit arrêt à la salle Saint Germain où je retrouve des jeunes enfants qui colorient sur le thème du jour. Ils reçoivent une bénédiction collective, plus ou moins bien comprise.
Nous courrons alors vers Saint Martin pour entendre, au mieux, la fin des annonces. Il me reste à vous envoyer en mission après la bénédiction finale. A vous envoyer auprès de tous ceux qui ne sont pas là, annoncer ce que vous avez vécu.
Certes le diacre n’a (presque) rien à faire pendant la messe, il a juste le dernier mot. C’est peut-être parce que sa place n’est pas dans le faire, mais dans l’être. Il n’y pas à copier Marthe, mais à copier Marie. Il doit être le service incarné. C’est sans doute ce que je suis en train d’apprendre….