Je suis un diacre heureux

François de Favitski, diacre

Cela fait maintenant 25 ans que j’ai été ordonné diacre permanent. Comment rendre compte en quelques lignes de tout ce qu’il m’a été donné de vivre ? C’est impossible. Ce qui est sûr, c’est que j’ai été un diacre heureux. Je vais donc simplement dire un peu de ce qui a fait mon bonheur.

J’ai depuis longtemps le goût de dire ma foi en vérité et en simplicité, de la partager avec d’autres et de témoigner de ce que le Christ avait changé dans mon existence. Ainsi, au fil des années, j’ai toujours animé des groupes de vie chrétienne et accompagné des personnes avançant sur leur chemin de relation à Dieu. Quel bonheur quand je voyais comment, au fil du temps, ils découvraient Dieu à travers ce qu’en disaient les autres, comment leur foi leur donnait des points d’appui nouveaux pour leur existence, comment ils se transformaient dans leur relation aux autres ! Quel bonheur quand les relations fraternelles tissées dans ces groupes se prolongeaient au-delà de nos réunions dans le quotidien de nos existences ! L’un de ces groupes a par exemple aidé à deux reprises l’un de ses membres à trier et vider sa maison, à déménager et à s’installer dans un appartement. Avec un autre groupe, nous avons pendant plusieurs années organisé et animé des parcours Alpha couple, soutenus par tout un réseau de bénévoles qui vivaient ce service dans une grande joie. Quel bonheur quand nous pouvions observer le dialogue s’installer dans les couples reçus !

Dans ces circonstances comme dans bien d’autres (mariages, baptêmes, funérailles), les personnes m’ont confié leurs affections, leurs joies, leurs peines, leurs espoirs, et tout ce qui m’apparaissait comme faisant partie du précieux de leur existence. Je pense à une maman qui demandait le baptême pour son enfant. Longtemps éloignée de l’Eglise, elle en redécouvrait la foi avec une certaine attirance et disait son désir de la réintégrer. Je pense encore aux nombreux pèlerinages auxquels j’ai participé et qui m’ont permis de faire bien des rencontres et de recevoir bien des témoignages de vie.

Je me souviens d’un pèlerinage à Lourdes au cours duquel j’avais remarqué une dame qui avançait en âge et commençait à avoir de la peine à marcher. Je l’avais vu faire le tour de la basilique du rosaire, lentement et avec effort, s’arrêtant longuement devant la représentation de chaque mystère. Tôt un matin, nous nous sommes retrouvés seuls au petit-déjeuner. Et là, soudain, elle m’a confié que c’était la dernière fois qu’elle venait à Lourdes. Pendant quarante ans, elle était venue à Lourdes chaque année avec son mari. Et voilà que ce matin-là, elle me disait à la fois son bonheur passé et son chagrin : son mari était mort, et elle ne se sentait plus la force de marcher. Je me souviens aussi d’un homme infirme que j’aidais chaque matin à se lever et à faire sa toilette. Bouger son corps lui était douloureux, il m’a fallu apprendre à le manipuler, il lui a fallu apprendre à me faire confiance. La relation qui s’était établie entre nous était vraie et simple, elle donnait du bonheur à chacun de nous.

Dans les diverses activités que j’ai eues dans les trois secteurs pastoraux auxquels j’ai été envoyé, je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque je pouvais vivre un ministère de proximité, c’est-à-dire en étant au contact direct des personnes et invité à partager avec elles, parfois de façon très inattendue, un peu de la profondeur de leur vie. J’aime rendre visite à des personnes dont l’autonomie est réduite par les atteintes de l’âge ou de la maladie. J’aime percevoir leur plaisir à ma visite, les entendre parler de ce qu’a été leur existence, je suis ému de les voir parfois se confier. J’aime parler avec les paroissiens à la sortie de la messe, échanger quelques mots avec eux, prendre de leurs nouvelles. J’aime tout particulièrement la messe du mercredi matin qui se prolonge par des échanges autour d’un café.

Le diacre est ordonné en vue d’un ministère de service. Et le service s’accomplit auprès d’une grande diversité de personnes. Etre diacre, c’est entrer en relation avec ces personnes pour être attentif à ce qu’elles vivent et leur manifester si possible une présence en les écoutant, en les soutenant, en les accompagnant sur leur chemin d’humanité, en leur apportant un peu d’espérance et de joie. C’est aussi recevoir de ces personnes de quoi nourrir ma propre humanité.

Merci, Seigneur, des grâces que tu m’as données dans le cadre de mon ministère diaconal. Tu m’as appris à changer mon regard sur les personnes ; tu m’as donné le goût de découvrir ce qui les anime et les fait vivre. Tu es le chemin, la vérité et la vie. Sur ce chemin, je ne suis pas seul, je suis en compagnie de ceux que je porte désormais en moi avec leurs joies et leurs peines.