Georges Plainecassagne
« Le Seigneur nous a donné un vaccin efficace contre le mauvais virus du découragement : c’est l’espérance qui naît de la prière persévérante et de la fidélité quotidienne à notre apostolat »
Pape François le 5 mars dans la cathédrale ND de l’Intercession à Bagdad
Le Pape François appelle dès son arrivée les chrétiens d’Irak à l’espérance dans la cathédrale syro-catholique Notre-Dame-de-l’Intercession de Bagdad où 44 des leurs avaient péri lors d’une sanglante prise d’otage par des djihadistes en octobre 2010. Et ceci dans ce pays qui a connu successivement quatre décennies de conflits, une dizaine d’années d’embargo international, une invasion américaine et trois années d’occupation djihadiste.
Le cardinal Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de l’Église catholique chaldéenne en Irak, est l’un des principaux artisans de la venue du pape François en Irak, du 5 au 8 mars. Les chrétiens ne représentent plus aujourd’hui que 1% environ des 40 millions d’habitants. Deux tiers sont catholiques (chaldéens, syriaques et moins nombreux : latins et arméniens) ; un tiers orthodoxes. Alors qu’ils étaient de 1,2 à 1,5 million en 2003, soit 4 à 6%. (La Croix 24/02)
BAGDAD : Bagdad signifie ‘donné par Dieu’ en persan antique
Au palais présidentiel (vendredi 5 mars) – Le pape rencontre les autorités, la société civile (KTO : https://www.youtube.com/watch?v=9N6hHPWiCV0)
Le Pape : je suis heureux de l’opportunité qui m’est offerte de faire cette Visite, longtemps attendue et désirée, en République d’Irak, de venir sur cette terre, berceau de la civilisation, étroitement liée, à travers le Patriarche Abraham et de nombreux prophètes, à l’histoire du salut et aux grandes traditions religieuses du judaïsme, du christianisme et de l’islam…
« En tant que responsables politiques et diplomatiques, vous êtes appelés à promouvoir cet esprit de solidarité fraternelle. Il est nécessaire de lutter contre la plaie de la corruption, les abus de pouvoir et l’illégalité, mais ce n’est pas suffisant. Il faut en même temps édifier la justice, faire grandir l’honnêteté, la transparence et renforcer les institutions à cet effet..
Que se taisent les armes! Que la diffusion en soit limitée, ici et partout ! Que cessent les intérêts partisans, ces intérêts extérieurs qui se désintéressent de la population locale. Que l’on donne la parole aux bâtisseurs, aux artisans de paix ; aux petits, aux pauvres, aux personnes simples qui veulent vivre, travailler, prier en paix !.. La religion, de par sa nature, doit être au service de la paix et de la fraternité. Le nom de Dieu ne peut pas être utilisé pour « justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression » (Document sur la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février 2019)
Dans la cathédrale syro-catholique Notre-Dame de l’Intercession (vendredi 5 mars) – Extraits du discours aux évêque, prêtres, religieux et religieuses, catéchistes et responsables laïcs
Le Pape : : « Je vous embrasse tous avec une affection paternelle. …
Nous sommes réunis dans cette Cathédrale Notre-Dame du Salut, bénis par le sang de nos frères et sœurs qui ont payé le prix extrême de leur fidélité au Seigneur et à son Eglise. Puisse le souvenir de leur sacrifice nous inspirer à renouveler notre foi dans la force de la Croix et de son message salvifique de pardon, de réconciliation et de renaissance. Le chrétien, en effet, est appelé à témoigner de l’amour du Christ partout et en tout temps. C’est l’Evangile…
Que votre témoignage, mûri dans les épreuves et renforcé par le sang des martyrs, soit une lumière qui resplendit en Irak et au-delà, pour annoncer la grandeur du Seigneur et faire exulter l’esprit de ce peuple en Dieu notre Sauveur (cf. Lc 1, 46-47)
- La joie contagieuse de l’Evangile : « Comme le monde autour de nous a besoin d’entendre ce message ! N’oublions jamais que le Christ est annoncé surtout par le témoignage de vies transformées par la joie de l’Evangile. Comme nous le voyons dans l’histoire antique de l’Eglise sur ces terres, une foi vivante en Jésus est « contagieuse », elle peut changer le monde. L’exemple des saints nous montre que suivre Jésus Christ « n’est pas seulement quelque chose de vrai et de juste, mais aussi quelque chose de beau, capable de combler la vie d’une splendeur nouvelle et d’une joie profonde, même dans les épreuves » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n.167)
Et en servant Jésus dans les autres, nous découvrons la vraie joie.
- L’amour du Christ nous demande de mettre de côté tout type d’égocentrisme et de compétition; il nous pousse à la communion universelle et nous appelle à former une communauté de frères et de sœurs qui s’accueillent et prennent soin les uns des autres (cf. Enc. Fratelli tutti, nn. 95-96).
- Les jeunes : Je pense en particulier aux jeunes. Partout ils sont porteurs de promesse et d’espérance, surtout dans ce pays. Ici, en effet, il n’y a pas seulement un inestimable patrimoine archéologique, mais une richesse incalculable pour l’avenir : ce sont les jeunes ! Ils sont votre trésor et il convient d’en prendre soin, en nourrissant leurs rêves, en accompagnant leur chemin, en faisant grandir leur espérance. Bien que jeunes, en effet, leur patience a déjà été mise durement à l’épreuve par les conflits de ces années. Mais rappelons-nous, avec les anciens ils sont la pointe de diamant du pays, les fruits les plus savoureux de l’arbre : il nous revient, à nous, de les cultiver dans le bien et de les irriguer d’espérance.
Messe du pape en la cathédrale chaldéenne St-Joseph de Bagdad (samedi 6 mars) (KTO: https://www.ktotv.com/video/00349756/messe-du-pape-francois-en-la-cathedrale-chaldeenne-st-joseph-de-bagdad)
De l’homélie du Pape : « La proposition de Jésus est sage parce que l’amour, qui est le cœur des Béatitudes, même s’il paraît faible aux yeux du monde, en réalité est gagnant. Sur la croix il s’est montré plus fort que le péché, dans le sépulcre il a vaincu la mort. »
NADJAF : ville sainte chiite, rencontre du chef suprême des musulmans chiites (samedi 6 mars)
Le pape veut initier le dialogue avec les chiites (ils représentent 55% du total des musulmans de l’Irak) d’où la visite de courtoisie au grand ayatollah Sayyid Ali Al-Husaymi Al-Sistani.
Nadjaf, , le samedi 6 mars le pape s’est entretenu avec le Grand Ayatollah Ali Al Sistani, chef suprême des chiites pour faire avancer le dialogue interreligieux.
« Ce premier contact avec les autorités suprêmes chiites débouchera sûrement sur d’autres rencontres à Rome », soulève le Père Gollnisch (directeur général de l’Œuvre d’Orient). « C’est dans la multiplicité de ces contacts que peut naitre la confiance pour susciter la signature d’un texte« .
Extrait de la conférence de presse du Saint-Père au cours du vol de retour Lundi 8 mars
Le Saint-Père : « J’ai ressenti le devoir, au cours de ce pèlerinage de foi et de pénitence, d’aller voir un grand, un sage, un homme de Dieu. Ce n’est qu’en l’écoutant qu’on peut percevoir cela… C’est un homme humble et sage. Cette rencontre a fait du bien à mon âme. Il est une lumière. Et ces sages sont partout parce que la sagesse de Dieu a été répandue dans le monde entier. La même chose se passe avec les saints qui ne sont pas seulement ceux qui sont sur les autels. Ces sont les saints de tous les jours, ce que j’appelle les saints « de la porte d’à côté », les saints – hommes et femmes – qui vivent leur foi, quelle qu’elle soit, avec cohérence, qui vivent les valeurs humaines avec cohérence, la fraternité avec cohérence. Je pense que nous devrions découvrir ces gens, les mettre en avant, parce qu’il y a tant d’exemples…. »
UR : rencontre interreligieuse au lieu de naissance d’Abraham (samedi 6 mars)
Allocution de bienvenue du président irakien Barham Saleh au pape François :
« Bienvenue à Ur, notre première ville qui a inventé l’écriture et honoré la naissance du prophète Abraham (que la paix soit sur lui), le père des prophètes. C’est la ville pour laquelle battent les cœurs des hommes de toutes les religions célestes. »
Le samedi 6/3, chrétiens, musulmans, mandéens et Yézidis se sont rassemblés à Nassiriya, dans la plaine d’Ur, lieu de naissance d’Abraham. La rencontre interreligieuse a été notamment marquée par le chant en arabe de la Genèse et du Coran en mémoire d’Abraham, patriarche présent dans de nombreuses religions monothéistes.
Ecoutons ces chants –au début de la vidéo (KTO : Rencontre interreligieuse du pape François dans la Plaine d’Ur – https://www.youtube.com/watch?v=ICdKlO5PcHg)
Livre de la Genèse : Gn 12, 1-8 : 01 Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. 02 Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. 03 Je bénirai ceux qui te béniront ; celui qui te maudira, je le réprouverai. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » 04 Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth s’en alla avec lui. Abram avait soixante-quinze ans lorsqu’il sortit de Harane. 05 Il prit sa femme Saraï, son neveu Loth, tous les biens qu’ils avaient acquis, et les personnes dont ils s’étaient entourés à Harane ; ils se mirent en route pour Canaan et ils arrivèrent dans ce pays. 06 Abram traversa le pays jusqu’au lieu nommé Sichem, au chêne de Moré. Les Cananéens étaient alors dans le pays. 07 Le Seigneur apparut à Abram et dit : « À ta descendance je donnerai ce pays. » Et là, Abram bâtit un autel au Seigneur qui lui était apparu. 08 De là, il se rendit dans la montagne, à l’est de Béthel, et il planta sa tente, ayant Béthel à l’ouest, et Aï à l’est. Là, il bâtit un autel au Seigneur et il invoqua le nom du Seigneur. 09 Puis, de campement en campement, Abram s’en alla vers le Néguev.
Coran : extrait de la 14ème sourate : « Seigneur tu sais ce que nous cachons et nous produisons, au grand jour. Rien n’est caché devant Dieu de ce qui est dans les cieux et sur la terre. Louange au Dieu qui malgré ma vieillesse m’a donné Ismaël et Isaac. Il écoute nos vœux. Seigneur fais que j’observe la prière, fais que ma postérité soit fidèle. Agrée ma prière. Pardonne-moi, ainsi qu’à mes parents, aux croyants, au jour du Jugement »
Le pape François
De son discours : « C’est ici qu’Abraham entendit l’appel de Dieu, d’ici il partit pour un voyage qui devait changer l’histoire. Nous sommes le fruit de cet appel et de ce voyage. Dieu demande à Abraham de lever les yeux vers le ciel et d’y compter les étoiles (cf Gn 15,5).
De sa prière : De ce lieu source de foi, de la terre de notre père Abraham, nous affirmons que Dieu est miséricordieux et que l’offense la plus blasphématoire est de profaner son nom en haïssant le frère… Ne permettons pas que la lumière du Ciel soit couverte par les nuages de la haine !
(KTO : « Abraham père des croyants » https://www.youtube.com/watch?v=vKJZx7DH3yc)
MOSSOUL : Etape importante du voyage du pape dans cette « grande ville du nord de l’Irak, autrefois cosmopolite et qui se remet difficilement du traumatisme de Daech après trois ans d’occupation et de destruction . Si l’est de la ville a retrouvé son dynamisme, l’ouest entame à peine sa reconstruction et la confiance entre les habitants n’est pas revenue » (La Croix 2/3/2021)
Pape François : «La diminution tragique des disciples du Christ, ici et dans tout le Moyen-Orient, est un dommage incalculable non seulement pour les personnes et les communautés intéressées, mais pour la société elle-même qu’ils laissent derrière eux.» (discours)
« Dieu très haut, Seigneur du temps et de l’histoire, par amour tu as créé le monde et tu ne cesses jamais de déverser tes bénédictions sur tes créatures. Toi, au-delà de l’océan de la souffrance et de la mort, au-delà des tentations de la violence, de l’injustice et du gain inique, accompagne tes fils et tes filles avec un tendre amour de Père ».(prière)
(KTO : Prière du pape François pour les victimes de la guerre à Mossoul – https://www.youtube.com/watch?v=P2PZWFIhcIg)
QARAQOSH : au nord de l’Irak, le pape François rencontre la communauté chrétienne en l’église de l’Immaculée Conception.
Ils ont exprimé leur grande joie à l’entrée du Pape dans l’église. Avant l’invasion de Daesh, cette ville située dans la plaine de Ninive était la plus importante ville chrétienne d’Irak. Depuis, la population commence à se réinstaller, malgré les habitations détruites et les douloureux souvenirs. Témoignage bouleversant d’une femme Doha Sabah Abdallah. En 2014 cette mère a perdu son jeune fils, son petit-cousin et un jeune voisin qui jouaient dans la cour de la maison, sous un premier coup de mortier de Daech tombant sur Qaraqosh, alors que la famille était réunie pour préparer un mariage. «Le martyre de ces trois anges, a-t-elle observé, a sauvé toute la ville» car il a donné le signal de l’attaque. À la fin de ce témoignage, le pape s’est levé d’un trait, pour s’incliner et rendre hommage à cette femme très digne qui malgré son drame a appelé au «pardon».
Pape François : « Notre rencontre montre que le terrorisme et la mort n’ont jamais le dernier mot. Le dernier mot appartient à Dieu et à son Fils, vainqueur du péché et de la mort. Même au milieu des dévastations du terrorisme et de la guerre, nous pouvons voir, avec les yeux de la foi, le triomphe de la vie sur la mort »
(KTO : Visite aux chrétiens de Qaraqosh et Angélus – https://www.youtube.com/watch?v=nyQJliZAVIA)
ERBIL : capitale du Kurdistan irakien
C’est depuis le stade Franso Hariri que le pape François fait sa dernière grande rencontre avec les chrétiens du Kurdistan irakien et d’Irak. « Aujourd’hui, je peux voir et toucher du doigt le fait que l’Église en Irak est vivante », a-t-il déclaré dan s son homélie, avant d’ajouter en toute fin de célébration : « L’Irak restera toujours avec moi dans mon coeur ».
(KTO : Messe du Pape François à Erbil au stade « Franso Hariri » – https://www.youtube.com/watch?v=PvZGGbxl7f4)
Conclusion : L’Espérance en actes
Le pape est-il venu en Irak seulement pour les quelque 250000 catholiques de ce pays ?
« Pour Mgr Gollnisch, c’est l’ensemble du peuple irakien que le pape François tient à rencontrer début mars, pour « reconnaître les souffrances » endurées collectivement au cours de quatre décennies de guerre et de violence. » (La Croix du 24/02/2021)
Par ailleurs, la réflexion du Saint-Père sur la rencontre avec l’ayatollah chiite de Nadjaf nous éclaire : « les saints « de la porte d’à côté », les saints – hommes et femmes – qui vivent leur foi, quelle qu’elle soit, avec cohérence, qui vivent les valeurs humaines avec cohérence, la fraternité avec cohérence. Je pense que nous devrions découvrir ces gens, les mettre en avant, parce qu’il y a tant d’exemples…. « .
Avec les saints « de la porte à côté » nous pouvons contribuer à l’avènement du règne de Dieu, c’est pour cela que nous « devrions découvrir ces gens ». Et l’exemple qu’il cite ci-dessous va dans ce sens :
Le Saint-Père (extrait de son discours à Ur) : « Le terrorisme, quand il a envahi le nord de ce cher pays, a détruit de façon barbare une partie de son merveilleux patrimoine religieux, dont des églises, des monastères et des lieux de culte de diverses communautés. Mais, même durant ce moment sombre, des étoiles ont brillé. Je pense aux jeunes volontaires musulmans de Mossoul qui ont aidé à réaménager des églises et des monastères en construisant des amitiés fraternelles sur les décombres de la haine, et aux chrétiens et musulmans qui ensemble restaurent aujourd’hui des mosquées et des églises. »
De notre côté nous pouvons aider les chrétiens d’Irak à rester dans ce pays pour être levain dans la pâte, par exemple avec l’œuvre d’Orient « À Qaraqosh, ville syriaque catholique, L’Œuvre d’Orient a permis la rénovation de 31 maisons identifiées par le Comité de Reconstruction dirigé par le père Georges, pour évaluer les besoins et coordonner les aides. Ainsi, 24 familles ont pu se réinstaller cet été pour la plus grande joie de tous ; ‘ les enfants ont plus d’espace, ce qui est bénéfique pour leurs études ‘ se réjouit un papa. » (https://oeuvre-orient.fr/pays/Irak/)
L’œuvre d’Orient, association française fondée en 1856, engagée au service des chrétiens d’Orient, elle intervient dans 23 pays, reconnue œuvre d’Église en 1858 par le pape Pie IX, Elle donne aux évêques, aux prêtres et aux communautés religieuses, ainsi qu’à des bénévoles, les moyens d’accomplir leurs missions : éducation, soins et aide sociale, secours aux réfugiés, culture et patrimoine.
Cette année la journée des Chrétiens d’Orient (prière, rencontres) est le 9 mai. Mgr Pascal Gollnisch est le directeur de l’Œuvre d’Orient, il concélèbrera la messe télévisée de France 2 le dimanche 17 mai.
Il est intéressant de voir comment une chaine d’information privée, LCI, parle de la situation des chrétiens et notamment ceux d’Orient : ‘Parti pris à l’international’ du 13/01 sur LCI par Abnousse Shalmani concernant les chrétiens d’Orient.
L’espérance en actes, pour le pape, c’est du côté de la fraternité comme il l’a dit à l’Angélus du 10 mars, commentant son voyage en Irak : « Serons-nous capable de faire la fraternité entre nous? De faire une culture de frères ou continuerons – nous avec la logique commencée par Cain, celle de la guerre ? »